Tendances Fusacq
|
Les considérations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) sont devenues un enjeu crucial lors des opérations de fusions-acquisitions. Savoir déceler et sublimer ces attributs chez une société cible est une compétence clé.
« Nous sommes convaincus qu'une analyse ESG détaillée ainsi qu'une planification des futures entreprises ciblées sera monnaie courante au cours des prochaines années », explique Floyd Plettenberg, PDG de Dealsuite. « En tant qu'entreprise, nous valorisons notre contribution à l'ESG et nous nous efforçons de rester innovants sur ce sujet. Nous proposons déjà à nos clients la possibilité de filtrer et d'évaluer les mesures ESG. »
Tous les secteurs s’adaptent actuellement aux critères ESG, et les fusions-acquisitions n’échappent pas à la règle. La pandémie de covid 19 a mis en lumière des dysfonctionnements dans nos pratiques sociales et entrepreneuriales, nous obligeant à repenser l’utilité sociale et l’empreinte environnementale des entreprises en plaçant les considérations ESG au cœur des orientations stratégiques des entreprises.
La notion d’investissement durable et les critères ESG sont utilisés de manière interchangeable. Le premier indice socialement responsable a été lancé en 1990, alors que le terme ESG n’est apparu que 14 ans plus tard dans l’étude « Who Cares Wins » réalisée par l’Organisation des Nations unies. Cette étude a rassemblé 18 institutions financières issues de neuf pays afin de rédiger des lignes directrices et des recommandations sur la meilleure manière d’intégrer ces considérations aux entreprises.
Initialement, les investisseurs n’accordaient que peu d’importance à ces critères, ce qui a incité les entreprises à se contenter du strict minimum en termes de stratégie environnementale. Le premier changement majeur dans l’état d’esprit des entreprises fut le désir de mitiger les risques. Les entreprises ont tenté de prévoir et d’atténuer les risques réputationnels, ainsi que les conséquences financières découlant de mauvais choix ESG. De plus, de nombreuses affaires hautement médiatisées ont renforcé cette nécessité. Prenez par exemple le groupe pétrolier Exxon et sa marée noire de 1989. Si l’entreprise avait investi dans un nouveau système de radar et avait mieux géré l’équipage de son navire, elle aurait pu éviter 2 milliards de dollars de coûts de nettoyage et 1,8 milliard de dollars de dommages et intérêts. Par ailleurs, les dommages causés à la réputation de l’entreprise sont inquantifiables. Trente années ont passé depuis ce triste événement et l’entreprise en subit toujours les conséquences.
Les démarches ESG ont gagné en popularité au cours des 13 années qui ont suivi la publication par PwC de son premier rapport sur les efforts déployés par les entreprises britanniques en matière de développement durable. Mais les véritables évolutions ont eu lieu ces dernières années. Initialement, le développement durable était une préoccupation auxiliaire en parallèle de l’activité opérationnelle, or il devient maintenant intrinsèquement lié aux actifs immatériels d’une entreprise, tels que la valeur de la marque et sa réputation, qui représentent une part croissante du capital des entreprises.
Selon une récente étude de PwC, les critères ESG sont maintenant reconnus comme un facteur de création de valeur et donc plus facilement adoptés. Dans son enquête « 2021 Global Private Equity Responsible Investing Survey », le cabinet d’audit dévoile que 66 % des personnes interrogées ont classé la création de valeur parmi leurs trois principales motivations en matière d’ESG. Des gestionnaires d’actifs de premier rang, comme BlackRock, soulignent régulièrement l’importance de la standardisation des données ESG et en font un élément essentiel de leur processus d’investissement.
Les entreprises peuvent directement améliorer leur résultat net en développant une image de marque socialement responsable ou en réduisant leur consommation d’électricité, mais elles peuvent aussi tirer parti de la prime de responsabilité sociale et environnementale (RSE) que les investisseurs sont prêts à payer lorsqu’une entreprise dispose d’une stratégie ESG bien définie. Les investisseurs sont prêts à accepter des rendements inférieurs si l’entreprise cible est socialement et environnementalement responsable.
Les entreprises peuvent aussi être encouragées par des emprunts à bas coût. Les nouveaux produits, comme les obligations vertes, permettent aux entreprises de bénéficier de taux plus avantageux si les capitaux sont destinés exclusivement à des projets à dimension sociale ou environnementale. Il existe aussi des prêts indexés sur des critères ESG, qui offrent des bonus ou des pénalités en fonction d’objectifs préalablement définis. Par exemple, un prêt pour améliorer des logements offrira de meilleures conditions si le parc immobilier présente une performance énergétique suffisante lors de la livraison ou si le nombre de locataires occupant un emploi augmente.
La pandémie a accéléré la prise de conscience sociale et environnementale, ce qui a mis en exergue la nécessité de prendre des mesures urgentes. Les investisseurs, les employés, les consommateurs ainsi que les législateurs exigent que les entreprises soient plus transparentes sur leur impact environnemental et qu’elles réalisent des investissements durables. Avec moins d’une décennie pour atteindre les 17 objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, les investisseurs attendent du secteur privé qu’il apporte une contribution significative aux efforts des États.
Dans un monde de plus en plus connecté et transparent, aucune entreprise, peu importe sa taille, ne peut négliger les considérations sociales et environnementales. Dans le cas contraire, les parties prenantes leur demanderont rapidement de rendre des comptes. Le mois dernier, le secteur financier britannique a été pointé du doigt pour ses émissions de gaz à effet de serre dans une étude diligentée par Greenpeace et la WWF. Les activistes affirment que les citoyens britanniques seraient consternés d’apprendre que leur épargne est utilisée pour des projets qui « sont dommageables pour l’environnement ». Le même mois, un tribunal a statué que Royal Dutch Shell se doit de réduire activement ses émissions de gaz à effet de serre, et ce beaucoup plus rapidement que prévu. Cette jurisprudence pourrait être lourde de conséquences pour le reste de l’industrie des énergies fossiles.
En outre, les critères ESG deviennent un élément incontournable à chaque étape du processus de fusion-acquisition, de la sélection de la cible jusqu’au suivi post-intégration. Les parties prenantes ne se contentent plus d’une stratégie ESG partielle qui s’apparente à du « greenwashing ». Les dirigeants doivent non seulement démontrer qu’ils intègrent les considérations ESG à leur projet d’investissement, mais aussi que ces considérations sont créatrices de valeur.
D’autre part, les législateurs ont renforcé le contrôle. Le règlement européen relatif à la publication d’informations en matière de durabilité du secteur des services financiers, ou règlement SFDR, qui est entré en vigueur le 10 mars 2021, impose à tous les fournisseurs de services financiers d’évaluer et de publier des informations relatives aux considérations ESG. La Securities and Exchange Commission (SEC) a elle aussi lancé un groupe de travail en mars 2021 afin de remédier aux lacunes qui persistent dans les déclarations extras financières des entreprises.
L’un des principaux obstacles à l’adoption globale des critères ESG est l’absence de données mesurables. Les considérations ESG sont des notions à géométrie variable qui couvrent de nombreux domaines, allant de la diversité jusqu’au respect de la vie privée, en passant par les pratiques managériales. À ce jour, il n’existe pas de standardisation des critères ESG permettant aux investisseurs de comparer différentes entreprises. De plus, l’écrasante majorité des données ESG est fournie par les entreprises elles-mêmes lors de leurs rapports annuels, ce qui crée d’importantes différences d’une entreprise à l’autre.
Grâce aux efforts conjoints des acteurs publics et privés, d’importants progrès ont été réalisés en matière de communication sur les considérations ESG. Les Principes pour l’Investissement Responsable de l’ONU, tout comme la Global Reporting Initiative (GRI) et le Sustainability Accounting Standards Board (SASB), aident les entreprises à comprendre les enjeux ESG et à communiquer sur des questions telles que le changement climatique ou la diversité des sexes au sein des entreprises.
En avril 2021, les Nations unies ont publié un guide technique visant à favoriser l’implémentation des principes d’investissement responsable dans le secteur du capital-risque. Ce guide établit des lignes directrices pour intégrer les considérations ESG dans le processus d’investissement des capital-risqueurs à travers des questionnaires de due diligence relatifs aux critères ESG et à la création d’un cadre de reporting post-investissement.
En parallèle, des fournisseurs de données tels que Refinitiv et Morningstar proposent maintenant des analyses mesurant l’impact des décisions des entreprises sur l’efficacité opérationnelle et l’orientation stratégique de ces dernières. Ces métriques ESG sont le résultat de la collecte et de l’analyse d’une myriade de données tirées des rapports annuels des entreprises. La plateforme Dealsuite propose sa propre classification ESG du marché des entreprises de taille intermédiaire. Cela permet aux investisseurs de déceler des opportunités de marché, d’identifier les entreprises cibles qui correspondent à leurs objectifs d’investissement responsable, mais aussi d’utiliser l’algorithme de sélection de la plateforme afin de garantir l’adéquation de l’entreprise cible avec les critères ESG de l’investisseur.
Au-delà des enjeux de standardisation des données, les priorités de développement durable varient considérablement d’une entreprise à l’autre en fonction du secteur, mais aussi des investisseurs. L’utilisation d’une plateforme comme Dealsuite permet de se concentrer sur les critères ESG les plus pertinents pour votre structure.
L’attention croissante portée aux critères ESG favorise la sélection naturelle. Les entreprises dépourvues d’une stratégie ESG concrète et viable tomberont rapidement en désuétude. Dans la dernière étude de PwC, 72 % des personnes interrogées affirment qu’elles analysent les entreprises cibles sous le prisme des risques et des opportunités de développement durable et 50 % des répondants déclarent avoir mis fin à une potentielle opération du fait de considérations ESG.
Au fur et à mesure que les considérations ESG gagnent en importance, les vainqueurs seront ceux qui seront en mesure de les utiliser comme un élément de différenciation, en intégrant les principes ESG dans le processus de due diligence, dans les stratégies de création de valeur et dans les stratégies de sortie.